Acte 2 : Glandasse - "La Maïastra"
Vendredi soir, nous rentrons de notre petit trip grimpe avec Ana. Alors que nous profitons de notre passage à Grenoble pour enrichir le camion de quelques accessoires dans le célèbre magasin suédois, le téléphone sonne : Mumus a les crocs, il convient de le promener dans une paroi. Plus sérieusement, c'est une proposition d'équipement que je décline depuis quelques temps. Le timing était déjà serré, car le tour des Fiz en grimpant prévu de longue date débute lundi. Tant pis, on verra bien au jour le jour! J'accepte donc !
La Maïastra à gauche, le Pestel à droite
Le lendemain, lever 4h30. Après avoir déposé Ana au train, je rejoins Philippe pour quelques heures de route. Glandasse est une paroi située à l'extrême sud du Vercors. Il règne en ce lieu un paradoxe cru : l'ambiance et le paysage alentour créent une sensation de sauvagerie, alors que la ville de Die se situe juste au pied. Notre stratégie est simple : poser notre bivouac au col du Ménil, et équiper le socle, voire le début du pilier ce premier jour.
Philippe n'était pas très optimiste concernant la qualité du rocher dans le socle. Finalement, elle s'avère excellente !
La première longueur ne laisse aucun répit aux bras, qui vont pourtant passer une sale journée en raison de l'homogénéité de la suite... Un bon dévers, le trou salvateur mais terriblement agressif qui permet de rejoindre la rampe, pas plus facile, puis le relais suspendu sur le fil du pilier. C'est maintenant à mon tour d'effectuer le tracé. Moins raide. Un peu de repos ?! Pas vraiment. Mais un rocher à strates digne des plus belles longueurs verdonesques. Quel bonheur ! Quelques bons combats neuronaux sur crochet, et j'arrive au relais. Plus qu'à attendre le verdict du mentor, visiblement difficile à satisfaire : "engagé, très engagé avec un clipage expo...". "T'as pas vu la verticale ?". "C'est expo !". Bon, et bien j'irai voir plus tard ! Après coup, après avoir grimpé (et enchaîné) la voie, il est évident que les perceptions de l'équipeur, et celle du grimpeur ne sont pas du tout les mêmes. En équipant, tu pars frais du point précédent, ce qui est complètement différent de ce que fait le grimpeur qui enchaîne depuis le bas. Il est évident que cette longueur n'est pas équipée "de type falaise". Il y a des pas au dessus des points, voir même bien au dessus, mais n'est-ce pas là l'essence de l'escalade ? N'aurait-on pas tendance à l'oublier avec des considérations néo-contemporaines d'aspiration perpétuelle à la sécurité absolue et au plus grand confort ? Les voies d'escalade, surtout dans des cotations s'approchant du 8ème degré, doivent être équipées ainsi, je le pense. Et le plaisir d'arriver au relais sera grand après une longueur à l'équipement aéré, où toutes les ressources, physiques et mentales auront été mobilisées. Pour lever l'omerta, c'est donc moi qui ait commis ce crime d'équipement (Philippe tenait à ce que ça soit clair, on sent le vécu ... !).
L2 (7c)
Une petite longueur de transition, et nous voilà enfin au pied du fameux pilier. Les 2 premières longueurs nous proposent un fabuleux rocher à trous.
L3 (7b)
Le Bivouac ***** au col du Ménil
La deuxième longueur me plonge dans l'inconnu le plus total. Raideur et compacité se conjuguent dans un parfait accord pour me rendre indécis sur la voie à tracer. Fallait-il tenter tout droit dans ce rocher d'une pureté inégalée, ou passer sur le fil du pilier plus à gauche, visiblement plus prisu. C'est de cette manière que l'équipement intègre une part de création, au sens figuré plus qu'au sens propre il est vrai. Mais le choix n'est-il pas également renoncement, et donc valorisation d'options, qui dans leur multiplicité et leur diversité formeront un ensemble original ? La voie achevée résulte du coup d'oeil, de l'audace, ainsi que d'un ensemble de paramètres affectifs et mentaux. Il y a les parties intellectuelles et manuelles, deux composantes évidentes de la création. Non absolues, non directement liées par le lien de cause à effet, mais toute deux nécessaires. Verdict : ça passe mais c'est dur, avec un pas de bloc sordide en fin de longueur... Le 7c+ à la Mussat pour ne pas mettre 8a...
L5 (7c+)
L6 (7b+)
Nous nous arrêterons à la longueur suivante pour ce premier we en pays diois. Demain, autres compagnons, autre horizon, mais toujours la même base : la varappe !