Ailefroide centrale - Pilier des Temps Maudits

Publié le par Yann Borgnet

 

Un petit trip Oisans organisé bien à l'arrache. Mais n'est-ce pas la meilleure façon de vivre pleinement une aventure ?!

Décidé à 12h pour un départ 2h plus tard... Direction un petit gîte au dessus de l'Argentière-la-Bessée. Après une illusion de pizza, ce sera finalement du riz au menu du soir !

Le lendemain, longue messe des préparatifs... Light, lourd, confort, précarité... Tout est considéré avec minutie. Finalement, pour ma part c'est la solution superlight qui est retenue : sac light, crampon alu bricolé sur des baskets, pas de piolet, pas de duvet, pas de réchaud, micropolaire, windstopper, microdoudoune, gore-tex ! On verra bien ! Rob décide tout de même de prendre son duvet !

Après de succulentes lentilles en conserve (merci Toto...), le grand, le magnifique, l'inégalable Tom Reymonenq nous dépose au Pré de Mme Carle. A noter les quelques petits gadgets indispensables dans LA voiture du grimpeur : le pan gullish sur le pare-soleil avec les inclinaisons des différentes falaises pour un entraînement précis et calculé. On ne manque pas de se faire une petite séance "Cimai" avec le Rob... Mythique !

Nous sommes maintenant seuls... Enfin pas encore tout à fait! La folle population de touristes/randonneurs est impressionnante ! Glacier blanc et moraine du glacier noir sont des randonnées qui semblent plutôt classissimes !

Après la moraine, on retrouve l'intimité de la cordée nécessaire à la préparation d'une telle entreprise. Je ne sais pas du tout à quoi m'attendre quant à cette course. Cette face Nord-Ouest de l'Ailefroide représente un mythe. Un mythe construit par Lucien Devies, Giusto Gervasutti, et plus récemment Christophe Moulin ou encore Arnaud Guillaume. Techniquement, rien de très dur pour notre cordée : A1/6a+... Mais Rob se méfie ! Plusieurs paramètres font que cette course est passablement engagée : l'isolement tout d'abord. Comme partout dans les Ecrins, l'approche et le retour sont souvent de longues bambées ! Cette fois-ci, il nous aura fallut 4h pour rejoindre le bivouac, au pied de la face. On se sent vraiment coupés du monde. Le passage du Col de Coste Rouge nous permet de basculer dans une vallée absolument sauvage et austère. Pas une maison en vue, seulement un univers minéral et glaciaire. J'adore ! De plus, les portables ne passent ni au bivouac, ni dans la face, ni au sommet. On est loin des faces nord chamoniardes, où même dans les plus austères, il y a du réseau. Alors on fait avec, on prévient des proches : "si le lendemain 8h pas de nouvelle, appelle les secours !".

Le bivouac est spacieux, on ne voit pas le fameux pilier, mais on aura tout le loisir de le faire demain matin ! Rob ayant déjà fait la Devies Gervasutti l'année précédente, il connaît le départ. Cela nous facilitera grandement les choses pour demain matin. On part quand même vite fait repérer la moitié de l'approche. Ensuite, petit réglage des crampons.

 

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Communion au paté...

 

Je sors alors le plat de riz précuit transporté avec les moyens du bord, dans un vieux sachet de chips. A peine l'ai-je sorti que le sachet se crève, et le riz finit dans le sable... Verreu ! On ramasse tant bien que mal ce qu'il y a à récupérer, et on improvise un grand plat collectif !

 

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Le bivouac, le riz & le sable !

 

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La plâtrée ! Un peu croustillante... :)

 

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Le tri minutieux entre les grains de riz et le sable... Fastidieux !

 

Ensuite, le moment tant redouté arrive, il faut se coucher ! Sans duvet, je suis bien conscient que la nuit va être longue ! De 20h à 22h, j'ai réussi à avoir quelques moments de sommeil... Après ce fut moins évident ! J'avais toujours froid quelque part, malgré les innombrables couches et le sac à dos en guise de duvet... jusqu'aux genoux !

A 2h, le réveil sonne. Une vraie délivrance ! Je n'en pouvais plus de me tourner dans tous les sens ! Je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit. Le gâteau de semoule est vite avalé, et nous ne tardons pas !

Le regel est très bon, point positif pour l'attaque, qui est susceptible de canaliser les pierres tombant dans le couloir de Coste Rouge. Nous avons tracé le premier névé hier, lorsque la neige était ramolie. Par contre, nous sommes obligés de chausser les crampons sur le deuxième. C'est le grand test ! Arrivé à la rimaye, un premier crampon s'enlève, puis l'autre... A priori, il faut éviter tout mouvement de torsion ! Rob connaissant tout le départ de la Devies, je le laisse passer devant. Ma frontale n'est pas du tout efficace, et par cette nuit sans lune, ce n'est pas facile de se repérer dans cette face aux dimensions inhumaines ! Arrivés en haut du ressaut, c'est l'inconnu. La voie Devies part à droite, et traverse le couloir. Nous devons rester rive droite. Nous ne voulons en aucun cas rejoindre le couloir, car entre les crampons et les pierres qui y débaroulent, ce ne serait pas prudent !

Le topo indique de suivre l'arête qui nous domine sur 2 longueurs puis de rejoindre le couloir par une grande vire. Allons déjà à la vire, nous verrons bien pour la suite ! Je pars donc en tête. Rob me suit en corde tendue. Arrivé à la fameuse vire, je fais relais et je consulte mon compagnon de cordée. Le topo indique que nous pouvons rejoindre une grande cheminée qui nous mènerait quasiment au pied du pilier; cheminée qui restera introuvable dans cette nuit noire ! Finalement, nous longeons plus ou moins le couloir par des dalles assez faciles, mais peu protégeables. Le rocher demande par endroits de l'attention... En se relayant en tête, nous arrivons quasiment au sommet du couloir. 2 solutions se présentent à nous : traverser à droite, rejoindre le haut du couloir et monter au pied du pilier par gros escalier lisse ou monter tout droit et espérer pouvoir retraverser à droite pour rejoindre le pilier. La suite nous est cachée... Finalement c'est cette dernière solution qui est retenue. J'attaque donc une cheminée peu profonde. Les protections sont difficiles à placer, et pour ne rien arranger, ça se corse... Un premier pas en dalle vraiment pas évident et improtégeable me permet de me rétablir sur une vire déversée... Que faire maintenant... Au dessus, c'est lisse, le dernier point est loin... J'essaie à droite, pas sûr que ça sorte. Les doigts sont insensibles, les prises minuscules. Non, à droite, ça ne passe pas. Tiens, peut-être qu'il y aurait une solution à gauche; si j'arrive à attraper cette réglette, c'est gagné. L'escalade est fine, mais ça passe. J'arrive en bout de corde. Je n'avais pas récupéré de matos auprès de Rob pour cette longueur que je croyais facile. Il ne me reste que 3 friends pour faire le relais. Une chance inouïe, chaque friend trouve un emplacement dans une fissure, le relais est béton !

Je ne vois pas encore si nous pourrons rejoindre le pilier. Mais Rob va vite me confirmer que c'était la bonne solution, il relaye au pied de ce fameux monolithe. Nous avons fait vite, 3h30 pour le socle, contre 5h dans le topo. Sans tarder j'attaque la première longueur en V.

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Dans la 1ère longueur du pilier

 

Ce n'est pas dur, j'arrive presque au relais, dans mon imagination je suis déjà vaché quand tout à coup, mon pied droit à qui je confie quasiment tout mon poids dérape. Je me vois déjà tomber... Un éclair dans ma tête, un mouvement inconscient de survie. Je ne sais pas ce qui s'est passé, je me retrouve solidement accroché à la paroi, 2 réglettes dans les mains. Le point était loin, il y avait une vire juste en dessous, cela n'aurait pas été bon... Je suis énervé, énervé de cette erreur qui aurait pu mal se terminer. Mon doigt saigne, je n'ai que ce que je mérite. Heureusement, je suis encore là ! Je relaye, Rob me rejoint. Suivent 2 longueurs d'artif. Nous sortons les pitons et Rob attaque. L'arti est une discipline fastidieuse, qui prend du temps. Pas toujours très marrant pour l'assureur. Il fait froid, j'ai des passages à vide, je décroche complet, mes yeux se ferment tout seuls ! Il faut que je sois attentif, ça n'a vraiment pas l'air évident là-haut. Rob se bat comme un Dieu, se sort correctement les doigts pour sortir en libre... Vraiment pas évident ! Je le rejoins. Du sang coule de nouveau. J'inspecte mes doigts... encore un steak, et cette fois sur la paume de l'index. Avec le froid, je n'ai rien senti jusqu'à présent. Maintenant que je le sais, il me fait mal. Je trempe ma main dans le sac à pof pour endiguer le saignement... Pas forcément très agréable ! Tans pis, je ferai avec. Je pars dans la deuxième longueur d'artif, qui est censée être plus soutenue. Le départ en libre est aisé, puis un piton en place indique le début de l'artif. Ce passage est relativement facile, les pitons sont bons. Je sors alors en libre. Verdict : cette longueur est beaucoup plus facile que la première !

 

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Deuxième longueur d'artif le libre du départ !

 

eheheh-111.JPGDans l'artif !


S'en suit un peu de corde tendue, puis quelques longueurs peu soutenues pour rejoindre la muraille terminale.

 

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Cette muraille démarre par une longueur de 4 en "rocher pourri", mais finalement, il se révèle être le même rocher que les longueurs précédentes !

 

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A la recherche de Charlie dans cette première longueur de la muraille terminale !

 

J'écris cet article un peu après-coup, mais je me souviens encore très bien des longueurs en 6a. Pas évidentes à négocier ! Le 6a+ du haut est magnifique, mais il demande pas mal d'énergie.

 

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Dans un des 6a...

 

Après cette longueur, il en reste normalement 2, mais après quelques mètres de grimpe, Rob m'annonce qu'il va jusqu'au sommet. Après 11h dans le froid, l'ombre, l'austérité, nous voilà enfin au sommet. Le soleil nous réchauffe vite ! Nous nous embrassons, nous sommes super heureux. Notre cordée fonctionne à merveille ! Après une petite pause bien méritée, c'est la longue procession jusqu'à Ailefroide. D'abord de la désescalade, puis des rappels. Il faut bien traverser à droite lors de cette descente, et ne pas s'engager dans le couloir que l'on surplombe en arrivant au sommet. Ensuite, c'est une pente de neige assez raide, nous rechaussons les crampons. Je veille à éviter les mouvements de torsion. Saut de la rimaye, remontée... bientôt nous retirons les crampons. La tension retombe ! Je me laisse aller, je divague, les yeux rivé sur mes pieds. Je n'ai plus la force de lever la tête pour regarder ce paysage, qui est pourtant unique, magnifique. Je me suis transformé en un véritable robot, j'avance sans réfléchir ! Bientôt le refuge, le fond de vallée, les premières tentes, le squat de Tom, la voiture ! Il est 19h30, nous prenons une petite douche puis direction Briançon et la finale des internationaux. Petit détour par MacDo... Nous arrivons à temps pour la finale messieurs ! La soirée est longue... Ce qui s'est passé à cette soirée reste à Briançon... Fatigue+alcool = état plus que lamentable... Bref très bonne soirée tout de même !

 

Je ne connaissais quasiment pas les Ecrins, et encore moins cette face Nord-Ouest de l'Ailefroide Centrale. C'est un coin austère, sauvage, retiré du monde. J'ai adoré cette petite escapade, le zeste d'engagement est très appréciable, cela conforte le lien de cordée. On ne peut compter que sur l'autre et soi-même. La confiance en l'autre est indispensable pour ce genre de course. Rob, j'ai beaucoup de plaisir à grimper avec toi, et je suis persuadé que tout est réuni dans notre cordée pour réaliser de belles choses dans l'avenir !

Bravo à Arnaud Guillaume et ses compères pour cette ouverture. Techniquement, c'est un peu plus dur que la Walker, et surtout beaucoup moins équipé/parcouru !

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M
lidt gamle antikke linjer tilbage på læderet overflade, ikke perfekt meget attraktive funktioner. Den Amor Arrow ASOS WHITE dette spørgsmål, blev du ramt?
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